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Il est une expression anecdotique que nul marocain ne risque d’ignorer, empruntée aux contes ludiques ancrés dans la mémoire collective et reclassée en tant qu’adage, qui dit : «c’est une chèvre, même si elle vole», pour invoquer l’attitude d’une personne têtue et tête de mule.
A l’origine, c’est l’histoire, en bref, de deux bédouins en voyage ; sur leur chemin, l’un d’eux aperçoit, à l’horizon, un corbeau perché sur une colline et demande à son compagnon s’il parvient, lui aussi, à le voir. Celui-ci acquiesce en précisant qu’il s’agit, plutôt, d’une chèvre ; couleur semblable oblige !
Et tout en poursuivant leur chemin, les deux compagnons se chamaillent au sujet de la nature de l’animal dont la couleur sombre semble pousser l’un et l’autre à camper sur la pertinence de leur vision diurne, jusqu’à ce que l’animal prenne les airs. Ainsi, le premier s’exclame, sur un ton euphorique, qu’il avait raison. Mais l’autre, cloué au summum de son entêtement, lui lance : «c’est une chèvre, même si elle vole»
L’Action des Chrétiens pour l’Abolition dela Torture, association française ayant défrayé la chronique, depuis février dernier, par ses recours burlesques devant la justice de son pays contre un haut responsable marocain qu’elle ne cesse de lyncher via une poignée de ses clients pas très orthodoxes, en lui attribuant leur torture, semble décidée à se donner raison contre monts et marées, en continuant à piocher dans les affaires traitées par les autorités judiciaires marocaines, pour en extraire, ne serait qu’un semblant d’indice d’atteinte aux droits de l’homme, susceptible d’apporter du crédit à la légitimité de ses précédentes actions répondant à un agenda contre le Royaume.
Jeudi, l’ACAT a rendu public un communiqué sur la poursuite en justice, pour déclarations calomnieuses, de l’activiste associative à Tanger, Wafaa Charaf, auteur d’allégations de torture qu’elle aurait subie en avril dernier. Dans ce communiqué, Hélène Legeay, responsable Maghreb et Moyen-Orient de cette ONG française, attribue au Maroc «d’agir contre les […] victimes de tortures et non contre les tortionnaires». Et, en parlant de «réaction extrêmement cynique» des autorités marocaines, elle accuse ces autorités qu’elles «entendent perpétuer la loi du silence».
Cette honorable défenderesse des droits de l’homme, particulièrement focalisée sur des pays déterminés, s’autoproclame donneuse de leçons en affirmant qu’«avant d’appeler les autres pays à ratifier la Convention contre la torture, le Maroc devrait commencer par respecter ses engagement […], en s’assurant que la Convention, ratifiée par le pays en 1993, ne reste pas lettre morte».
Ces déclarations suscitent les précisions suivantes, sachant que les véritables spécialistes du Maghreb et les observateurs de l’évolution sur la scène marocaine ne risquent pas d’approuver une telle analyse, à la fois empreinte de légèreté et frôlant la partialité.
D’abord, pour pouvoir agir contre des présumés tortionnaires au lieu des victimes, n’est-il pas opportun, au préalable, de recueillir tous les indices pouvant donner corps à l’action et de diligenter les investigations à même de délimiter les pistes devant mener aux véritables coupables ? A ce propos, et à moins d’avoir ciblé une partie préconçue à mettre à l’index, ces recherches ne peuvent commencer que par la décortication des allégations de la victime.
Ensuite, si la réaction du gouvernement marocain est extrêmement cynique, parce qu’il a provoqué l’ouverture d’une enquête sur une affaire aussi sensible que dramatique de torture et qui, cerise sur le gâteau, a débouché sur la calomnie et le mensonge prémédité, hé bien tous les pays du monde, qui se respectent et respectent leur citoyens, ne le sont pas moins. D’ailleurs, les valeurs de la démocratie et du respect des droits de l’homme dont se prévaut l’égérie Maghreb et Moyen-Orient d’ACAT, appliquées même sur le sol des précurseurs de défense des droits humains, ne prévoient pas une autre procédure, faisant appel au raisonnement par l’absurde.
Enfin, il est vrai que le Maroc entend perpétuer la loi du silence quand il a, lui-même, pris l’initiative, sans orientations ni directives préalables qu’auraient aimées assumer, volontiers, ACAT et consorts, de jeter la lumière sur cette affaire.
Le Maroc prêche la loi du silence parce qu’il a sorti au grand jour un dossier dont le traitement par son ignorance, comme ce fut le cas pendant les années de plomb, aurait alimenté l’hostilité des détracteurs systématiques des avancées démocratiques au Royaume.
Et le Maroc a tendance à perpétuer la loi du silence du moment qu’il a brisé le mur de mutisme ayant longtemps accompagné les affaires similaires, de la part des institutions chargées de déclencher des enquêtes, faute de recours officiel des parties s’estimant lésées dans ce genre de dossier.
De plus, les preuves rassemblées par les enquêteurs dans l’affaire de Wafaa Charaf, tout comme celle d’Oussama Housn, sans parler du retour d’Abdelali Jaouat sur ses allégations, ne laissent perplexes que les contrariés qui espéraient voir le Maroc, à l’occasion de telles affaires, crucifié sur l’autel des damnés par la communautés des humanitaires.
En effet, les résultats de l’instruction judiciaire ont montré que, entre les premières déclarations de Wafaa Charaf et leur approfondissement, des incohérences ont surgi, prêtant à suspicion. Les vérifications de certains détails de ses allégations ont prouvé le mensonge.
Ainsi, à titre d’exemple, le lieu où elle a déclaré avoir été abandonnée, loin de la ville d’environ12 kilomètres, et où elle a prétendu avoir été récupérée par un petit taxi, est interdit à la desserte par ce genre de véhicule. Et le montant de la course, prétendu avoir été de 15 dirhams, alors que la vérification, au cas où ce taxi aurait, par miracle, existé, a révélé que ce montant devait être plus que le double.
Le comble est que les écoutes téléphoniques ordonnées par le parquet ont montré, sans nulle équivoque, que l’intéressée, sa mère et sa sœur ont conspiré pour donner corps à cette affaire, qui s’est avérée fictive, et qu’un responsable local d’une ONG humanitaire était à l’appui de cette mascarade et se déployait pour entraver l’enquête judiciaire.
Au-delà de cette affaire précise, l’année 1993, évoquée par Hélène Legeay, n’était-elle pas en plein chamboulement de la scène politique marocaine initié par feu Hassan-II, en préparation de l’instauration de l’alternance consensuelle, qui a marqué le début de la rupture définitive avec les années de plomb et le prélude de l’édification de l’Etat de droit ? L’expérience du premier gouvernement dirigé par les socialistes au Maroc et les initiatives qui l’ont accompagné, ou suivi en matière de respect des droits de l’homme, comme l’Instance Equité et Réconciliation (I.E.R), n’étaient-elles pas une preuve d’un train mis en marche dans ce domaine ? Les invitations marocaines récurrentes, ces dernières années, à effectuer des visites au Royaume par les représentants de différentes instances internationales des droits de l’homme, sont-elles sans signification ? Peut-être, après tout, aux yeux observateurs munis de lunettes noires…
Force est constater que seul le bédouin de l’adage marocain pourrait persister à traduire toutes ces vérités criardes en vision à laquelle il croit dur comme fer, quitte à attester l’existence d’une chèvre qui vole.